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العنوان
L’écriture de l’Altérité dans « Rue des Voleurs » de Mathias Enard et sa traduction en arabe/
المؤلف
Mahmoud, Passant Essam sayed.
هيئة الاعداد
باحث / Passant Essam sayed Mahmoud
مشرف / Yomna Safwat Salem
مشرف / Nahed Ali El-Tanany
مناقش / Nahed Ali El-Tanany
تاريخ النشر
2021.
عدد الصفحات
291p. :
اللغة
الفرنسية
الدرجة
ماجستير
التخصص
اللغة واللسانيات
تاريخ الإجازة
1/1/2021
مكان الإجازة
جامعة عين شمس - كلية الألسن - اللغة الفرنسية
الفهرس
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Abstract

Nous aurions tant aimé entrer en contact avec l’auteur Mathias Enard, et notre traductrice Marie Tawk. Pour ce faire, nous les avons contactés via la messagerie de Facebook, et nous avons également contacté les maisons d’éditions respectives de chacune des deux oeuvres, Actes Sud, et شِٕٛعاد ا جًٌّ , pour qu’ils puissent nous fournir un moyen de communication avec nos écrivains, mais en vain.
Nous avions autant de questions à poser à nos deux auteurs, en ce qui concerne leur vision, leur position quant à leur récepteur, l’image qu’ils avaient de leur lectorat en créant une telle oeuvre, et les enjeux qu’ils ont confrontés. Mais faute d’une communication réelle, nous avons vu utile, voire nécessaire, de nous référer à des entretiens effectués avec eux à propos de l’oeuvre de Rue des Voleurs ou de leur carrière. Ces entretiens nous ont beaucoup éclairés sur la vision de chacun de nos auteurs, Enard, auteur principal, et Tawq notre traductrice et auteur second.
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Ci-joint l’entretien Mathias Énard : ”L’identité est elle aussi en mouvement”, Le Monde des livres, 4 septembre 2012, propos recueillis par Catherine Simon
- Rue des voleurs est le récit d’un voyage en Occident : un jeune Marocain quitte Tanger et se retrouve, étranger sans papiers, à Barcelone. Vous-même vivez en Espagne. Pourquoi avoir choisi Tanger comme point de départ de votre livre ?
Ce qui m’intéresse à Tanger, c’est son destin historique, son identité de frontière, comme dirait Magris. Tanger est beaucoup plus proche physiquement de Cadix ou d’Algésiras que de Casablanca ; c’est à la fois une grande ville arabe contemporaine, un centre industriel marocain et une ancienne ville coloniale. J’ai choisi Tanger comme point de départ du
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roman pour son ”excentricité”, sa position ”décalée”, extrémité (géographique, mais aussi symbolique) du monde arabe d’aujourd’hui.
Lakhdar, le narrateur de Rue des voleurs, est, lui aussi, ”excentré” par rapport aux révolutions arabes. J’aurais pu choisir un personnage syrien ou tunisien, qui aurait participé aux événements qu’il décrit - mais je préférais la position de l’étranger, de l’observateur. Lakhdar a grandi à Tanger, mais en banlieue, autant dire n’importe où. Il s’est construit en lisant des romans étrangers. Il est mixte, c’est un jeune homme en formation, dont l’identité est elle aussi en mouvement. Ce qui m’a poussé à me mettre dans la peau de Lakhdar, c’est cette complexité du monde d’aujourd’hui, la diversité de ces cultures qui se mélangent. Montrer qu’il existe des points communs entre les aspirations des jeunesses catalane et marocaine, par exemple. Que le destin de l’Europe est aujourd’hui inséparable du destin du monde arabe; qu’ils se mélangent. La guerre, le terrorisme, la violence politique sont des thèmes qui me touchent particulièrement. Rue des voleurs reprend beaucoup de ces thèmes, mais dans un autre contexte géographique et surtout une autre temporalité: c’est la première fois que je ”suis” pour ainsi dire l’actualité.
- Il est d’un style différent de vos précédents livres, plus classique.
Rue des voleurs est un roman d’aventures, un récit de voyage, un polar. C’est un hommage au roman populaire, à la littérature ”de gare” que lit Lakhdar. Chacun de mes livres essaie d’inventer une forme qui fabrique le roman autant que les personnages; dans Zone, une phrase interminable se perd dans les recoins de l’histoire violente de la Méditerranée. Dans Rue des voleurs, le récit très rythmé à la première personne fabrique le mouvement, le déplacement, met en route le voyage. La dimension ”épique” est remplacée par la trajectoire géographique, de Tanger à Barcelone.
- On peut vous considérer comme un écrivain du désenchantement. Mais aussi, paradoxalement, comme l’avocat d’un ”humanisme arabe” ?
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Mettre l’homme (l’humain) au centre et plus haut que tout, voilà mon propos, sans doute. Mais on ne peut oublier la souffrance des hommes, leur aveuglement et leur violence... Ce qui fait de moi, je suppose, un ”humaniste désenchanté”, pour reprendre vos termes. J’aime cette idée (folle) qu’un auteur français né à Niort de parents français puisse être ”un humaniste arabe”. Voilà qui ferait trembler de rage Richard Millet (….) qui le pousserait à sortir du placard sa vieille kalachnikov pour m’abattre d’une rafale symbolique, avec tout un contingent de traîtres cosmopolites.
Quiconque relit aujourd’hui Les Grands Cimetières sous la lune, de Bernanos (1938), est frappé de leur actualité. Nous vivons le temps de la bêtise. L’Espagne (mais je crois que c’est valable pour une grande partie de l’Europe) est en proie à une crise qui n’est pas seulement économique. Toute la classe politique espagnole (syndicats compris) fait chaque jour la preuve de son ineptie. Ce sont de dangereuses marionnettes dont les mouvements désordonnés détruisent des pans entiers de leur pays, des pendus auxquels le vent donne l’illusion du mouvement. Néanmoins, et malgré l’urgence de la situation, le mouvement des ”indignés” a montré ses limites : précisément parce qu’il ne se voulait pas politique, mais une forme spontanée de révolte populaire, un ras-le-bol non violent, une occupation de l’espace public. Mais le problème, ce sont les débats pour déboucher sur un programme, et donc une action politique... Que veut-on ? Et en gros, la réponse a été : on veut que les politiques s’occupent enfin de nous.
- Vous êtes un écrivain polyglotte ; il vous est arrivé de traduire des auteurs de langue arabe. Y en a-t-il qui vous ont particulièrement marqué, ces derniers mois ?
J’ai lu beaucoup de littérature arabe quand j’habitais le monde arabe. J’ai moi-même traduit un roman de Yussef Bazzi, Yasser Arafat m’a regardé et m’a souri (Verticales, 2007). Aujourd’hui, malgré Internet, il reste difficile d’acheter des romans arabes à Barcelone... Lorsque j’ai la
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chance de me rendre à Beyrouth, à Tunis ou à Tanger, je remplis ma valise. J’ai ainsi lu récemment Les Femmes d’Al-Basatin, d’Habib Selmi, et La Faim, de Mohamed Al-Bisatie. Et, surtout, l’indispensable roman d’Hoda Barakat, qui sort ces jours-ci en français, Le Royaume de cette terre (Actes Sud), puissante évocation de la montagne libanaise, terriblement politique, qui montre l’implacable impossibilité des groupes confessionnels libanais à mettre en place un projet commun, à travers l’histoire de trois générations de maronites.